(Par souci éthique, les
prénoms ont été changés)
Je voulais aller en Iran
tout d’abord pour écouter et observer. Malheureusement, les Canadiens doivent
d’abord parler pour avoir un visa de visiteur indépendant. Moins de 24h après
notre arrivée à Téhéran, des dizaines d’étudiants, des professeurs et des
journalistes semblaient vouloir écouter ce que j’avais à dire à Téhéran. Comment
commencer un premier contact avec une audience que je ne connaissais pas du
tout? Comme tout bon voyageur qui se respecte et qui veut socialiser, j’ai amorcé
ma conférence par répondre à l’ultime question: « Where do you come
from » ? Ah, you come from the Netherlands ! Great
Country ! Une fois que la réponse à cette question existentielle est
fournie, le trou béant de l’inconnu se résorbe entre les voyageurs, et un
esprit de collégialité peut s’installer. Il semblerait que ce que nous ‘sommes’…commence tout
d’abord… par d’où nous venons.
Voilà, à peu près, comment j’ai répondu: « Je viens du Québec, une
province du Canada. Je ne veux pas me vanter, mais je pense que le Québec est
un observatoire privilégié pour observer les relations internationales.
L’ironie de l’histoire a fait en sorte que nous sommes à la fois un peuple qui
a tenté d’imposer sa volonté sur un territoire, et une minorité, conquise, qui a tenté de résister. Cet héritage me
permet, je pense, d’être tant sensible à la volonté du plus fort qu’à celle du
plus faible. Pis après ? J’ai vendu ma salade comme toujours avec un peu
de Said pour finir sur le bon ton.
Si cette présentation
était à refaire, j’aurais ajouté un dernier élément. Un élément de modestie. J’aurais
ajouté : en revanche, le Québec est un des pires observatoires pour
comprendre la religion. Nous avons tellement sortie la religion de nos vies à
grands coups de pieds qu’on arrive plus à la saisir… du moins je
dirais, pour ma génération. La religion est devenue quelque chose de simplement
bizarre. Pour la majorité des québécois, la religion n’est qu’un passé en voie
de disparition sur la ligne du temps que nous nous sommes construites. Alors
voilà, après 3 mois à voyager en terres pratiquantes, ce qui constitue la
grande majorité de la planète, nous sommes plutôt en contact avec un monde
religieux toujours en ébullition. J’en ai donc profité pour être plus sensible aux
manifestations du religieux… histoire de mieux observer, pour mieux espérer
comprendre et respecter nos hôtes. J’étais totalement démuni pour être honnête…
et je ne sais toujours pas comment réagir aux manifestations du religieux.
Alors face à face avec des manifestations du religieux, tu faisais quoi ?
J’ouvrais le rapport Bouchard-Taylor sur la tablette de Marie. Bah non, en
réalité, je manifestais le malaise, c’est ça que je faisais !
Quand le touriste devient l'attraction numero 1: temple de Prenbanan
Istanbul, Turquie. Nous
rencontrons une de mes collègues de St-Andrews qui s’inquiétait visiblement de
l’intensification de l’influence de l’Islam dans son pays. Malgré le fait que
la Turquie soit un pays bâti sur une constitution séculaire, l’islam a de plus
en plus d’influence sur l’État. Depuis deux ans, les fonctionnaires ont le
droit de porter des symboles religieux ostentatoires au boulot. Ataturk s’est
retourné dans sa tombe. Selon elle, le pays qu’Erdogan, le premier ministre,
est en train de bâtir, n’est que pour les religieux. ‘Ils veulent que l’on devienne comme l’Iran !’ Elle utilisait constamment le ‘nous’ et le
‘eux’ non pas pour décrire une autre contrée, mais pour parler des séculaires
et des religieux en Turquie. Je ne pouvais qu’empathiser avec elle. Si ses
peurs deviennent réalité, sa vie de tous les jours en serait fortement
affectée. En Iran, la tendance est au sens inverse où la tension monte pour
plus de liberté vestimentaire, alors que d’autres, tant femmes qu’hommes,
préféreraient voir le tchador imposé. Le gouvernement tente une stratégie
positive : ‘Comme les pistaches, les meilleures choses sont enrobées’. Il
reste à voir si ce sera assez convainquant.
J’ai réalisé, à cet
instant même, que notre débat sur la charte était davantage une petite
secousse, loin de son épicentre, entre autres, au Moyen-Orient. Ce n’était pas notre débat de société
québécoise, c’était d’abord le leur. Nous prenions non seulement les arguments
des communautés, mais également leurs hyperboles quand ça pouvait conforter nos
croyances préétablies. ‘Fondamentalisme’, ‘extrémisme’, ‘fanatisme’ offrent une
puissante rhétorique (clin d’œil à Fatima). Mais lorsqu’on gratte un peu ces
mots, on n’y voit pas vraiment plus clair. On voit seulement qu’on assiste à un
débat tendu. Mais, je reviens à mon point, c’était avant tout ‘leur’ débat
parce que peu importe le résultat, il n’y aurait eu aucune conséquence dans la
vie de tous les jours pour la majorité des québécois. Que la charte ait passée
ou pas, la majorité des québécois n’aurait pas plus mise ou enlevée leurs
symboles religieux. Elle n’aurait pas plus pratiqué le carême ou interdit le
carême au petit Rodrigue à la garderie du coin. Parce que le petit Rodrigue, il
ne le pratiquait pas le carême anyway. Voilà pourquoi, il s’agissait d’un débat
dont les conséquences étaient éminemment superficielles pour la majorité, mais
tout le contraire pour les minorités. Et voilà, surement, pourquoi seulement
20% des Québécois voulaient encore en entendre parler durant les élections selon
CROP. Lassés? peut-être? Mais dans tous les cas, on ne se lasse généralement
que des choses superficiels pour passer à autre chose de tout aussi ou moins
superficiel. N’importe quel enjeu, tel qu’un référendum ou même la santé et
l’économie auraient pris le dessus, et c’est ce qui est arrivé. Alors qu’est-ce
que tu vas faire? Je vais continuer d’observer ce qui se passe ‘dans ces pays
là’, je n’arrive plus tellement à comprendre ce qui se passe dans le mien.
Maison des artistes, Téhéran
Éphessus, Turquie.
Marie ne supporte plus ma quête quotidienne de trouver un bon café. C’est ma
religion à moi. Et sans mon cher acolyte Sam qui est autant sinon plus accroc
que moi, j’avoue ne pas avoir un très bon rapport de force. Mais après notre
visite des ruines d’Éphessus, m’a chance a sonnée. Il restait une heure
d’attente avant le train du retour. Marie me regarde exaspérée : Ok, on va
y aller au café. Je saute sur le Lonely planet et je tombe sur le Café St-John.
Selon le Lonely, le Café St-John est le préféré des expats en raison de son
vaste choix de café espresso, cappucino, machiato etc. Exit le nescafé! Après
un peu de recherche, nous trouvons le café juste en face d’une mosquée. Yiha,
je rentre à l’intérieur, je commande et je reviens à notre table en terrasse.
Je me prépare, mentalement, au rituel. Aussitôt servi, je prends le temps de
respirer le café, je trempe ma cuillère à l’intérieur, j’imbibe la mousse au
lait de café et je prends une première gorgée. Lorsque la proprio revient, je
lui demande : Qu’est-ce qui a bien pu motiver deux Suisses à venir
s’établir à 30 minutes d’Ephessus? La dame me regarde avec le plus sérieux du
monde. Elle me répond, d’un ton bien froid : ‘Avant il y avait des
Chrétiens ici, maintenant, il y a que des mosquées.’ Sa mission et celle de son mari étaient
d’assurer une présence chrétienne en Anatolie. 'Nous avons été là, nous sommes
maintenant de retour, et nous serons toujours là'. Comment réagir à ça. Well,
avec une bonne dose de malaise. Avec un genre de Ah, interesting tout
ça :S. On va malheureusement devoir attraper notre train!
Fethyie, Turquie. Sur
un bateau d’environ 50 pieds de long, nous faisons la connaissance d’un petit
couple d’Australiens qui nous semblait vachement sympathique. Le temps hachuré
en milliards d’activités, métro boulot dodo, n’existe plus. Les réservoirs du
bateau sont remplis de temps. Il y a trop de temps disponible, et on le
sent par le rythme des conversations. Après le ‘Where do you come from’, je
demande à Erik, 25 ans, nouvellement marié, mais vivant encore chez ses parents, ce qu’il fait dans la vie. Il me dit qu’il travaille pour un
ministère. Ah, so you must be working in Canberra. No, no, I work in Brisbane.
Well, ça me semble loin de la capitale. J’ai finis par comprendre qu’il
travaillait pour un ministère au sens religieux du terme… après une bonne
recherche internet sur les racines religieuses du mot « ministère ».
Il était pasteur dans une école. Alors tu as fait quoi en présence de
manifestation du religieux? J’ai manifesté le malaise. Et pis après on a jasé
de tout et de rien, un peu des méchants iraniens.
Notre bande de joyeux lurons sur le blue voyage
Blue voyaging
Téhéran, Iran. Nous marchons à Téhéran, de retour de Yazd, dans une rue déserte en raison des célébrations du 25e anniversaire de la mort de l’Imam Khomenei. Il doit bien faire 30-35 degrés. Je regarde Marie. ‘En tout cas, on est pas mal mieux à Téhéran avec cette petite brise.’ Marie me regarde avec ses yeux de tueuses. Quel con! Alors que je suis bien confortable dans mon t-shirt « New balance » sport avec ultra-alliage supra suprême pour maximiser l’aération de mon petit corps, Marie a toujours son hidjab et son ‘manteau’ ainsi qu’une camisole. Elle se liquéfie en dessous de tout ça et a bien hâte de changer d’accoutrement. Moi, je manifeste le malaise. C’est en fait toute qu’une chance de voyager avec ma bella. Je n’aurais jamais pu m’imaginer autant les côtés plus désagréables des accommodements raisonnables en pays islamiques sans partager mon quotidien avec elle. En revanche, elle a l’œil pour me faire remarquer des choses que je n’aurais pas vues de mon regard de mâle bêta. Contrairement à ce fameux récit de la femme victime, Marie me fait remarquer qu’elle n’a jamais vu de Papas qui s’impliquent autant avec leurs enfants. Parc, toilettes, poussettes et j’en passe. On ne trouverait pas d’équivalents en Occident. Sérieux, bah oui!
Temple Indouiste à Ubud, Indonésie
Bon, la longueur de ce
blog ne fait aucun sens. Je devrai donc le terminer en deux parties. À toute.
Notre difficile adaptation à la secte des plongeurs de Lembeh
Philos à Lembeh en compagnie
de la secte des plongeurs beaucoup trop stimulés par les petites créatures rares
et bizarres.



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