dimanche 13 juillet 2014

"La religion, c’est comme ton pénis. C’est correct... tu peux en être fier... mais garde-le dans tes pantalons" (1 de 2)


(Par souci éthique, les prénoms ont été changés)

Je voulais aller en Iran tout d’abord pour écouter et observer. Malheureusement, les Canadiens doivent d’abord parler pour avoir un visa de visiteur indépendant. Moins de 24h après notre arrivée à Téhéran, des dizaines d’étudiants, des professeurs et des journalistes semblaient vouloir écouter ce que j’avais à dire à Téhéran. Comment commencer un premier contact avec une audience que je ne connaissais pas du tout? Comme tout bon voyageur qui se respecte et qui veut socialiser, j’ai amorcé ma conférence par répondre à l’ultime question: « Where do you come from » ? Ah, you come from the Netherlands ! Great Country ! Une fois que la réponse à cette question existentielle est fournie, le trou béant de l’inconnu se résorbe entre les voyageurs, et un esprit de collégialité peut s’installer. Il semblerait que ce que nous ‘sommes’…commence tout d’abord… par d’où nous venons.  

 Marie à Esfahan en attendant la prière du soir

Voilà, à peu près, comment j’ai répondu: « Je viens du Québec, une province du Canada. Je ne veux pas me vanter, mais je pense que le Québec est un observatoire privilégié pour observer les relations internationales. L’ironie de l’histoire a fait en sorte que nous sommes à la fois un peuple qui a tenté d’imposer sa volonté sur un territoire, et une minorité, conquise, qui a tenté de résister. Cet héritage me permet, je pense, d’être tant sensible à la volonté du plus fort qu’à celle du plus faible. Pis après ? J’ai vendu ma salade comme toujours avec un peu de Said pour finir sur le bon ton.

Phil et la jupette ostentatoire au temple de Prenbanan a Jogya

Si cette présentation était à refaire, j’aurais ajouté un dernier élément. Un élément de modestie. J’aurais ajouté : en revanche, le Québec est un des pires observatoires pour comprendre la religion. Nous avons tellement sortie la religion de nos vies à grands coups de pieds  qu’on arrive plus à la saisir… du moins je dirais, pour ma génération. La religion est devenue quelque chose de simplement bizarre. Pour la majorité des québécois, la religion n’est qu’un passé en voie de disparition sur la ligne du temps que nous nous sommes construites. Alors voilà, après 3 mois à voyager en terres pratiquantes, ce qui constitue la grande majorité de la planète, nous sommes plutôt en contact avec un monde religieux toujours en ébullition. J’en ai donc profité pour être plus sensible aux manifestations du religieux… histoire de mieux observer, pour mieux espérer comprendre et respecter nos hôtes. J’étais totalement démuni pour être honnête… et je ne sais toujours pas comment réagir aux manifestations du religieux. Alors face à face avec des manifestations du religieux, tu faisais quoi ? J’ouvrais le rapport Bouchard-Taylor sur la tablette de Marie. Bah non, en réalité, je manifestais le malaise, c’est ça que je faisais !

Quand le touriste devient l'attraction numero 1: temple de Prenbanan

Istanbul, Turquie. Nous rencontrons une de mes collègues de St-Andrews qui s’inquiétait visiblement de l’intensification de l’influence de l’Islam dans son pays. Malgré le fait que la Turquie soit un pays bâti sur une constitution séculaire, l’islam a de plus en plus d’influence sur l’État. Depuis deux ans, les fonctionnaires ont le droit de porter des symboles religieux ostentatoires au boulot. Ataturk s’est retourné dans sa tombe. Selon elle, le pays qu’Erdogan, le premier ministre, est en train de bâtir, n’est que pour les religieux. ‘Ils veulent que l’on devienne comme l’Iran !’ Elle utilisait constamment le ‘nous’ et le ‘eux’ non pas pour décrire une autre contrée, mais pour parler des séculaires et des religieux en Turquie. Je ne pouvais qu’empathiser avec elle. Si ses peurs deviennent réalité, sa vie de tous les jours en serait fortement affectée. En Iran, la tendance est au sens inverse où la tension monte pour plus de liberté vestimentaire, alors que d’autres, tant femmes qu’hommes, préféreraient voir le tchador imposé. Le gouvernement tente une stratégie positive : ‘Comme les pistaches, les meilleures choses sont enrobées’. Il reste à voir si ce sera assez convainquant.

Marie et Yosdra après la visite d'une relique chiite dans le Nord de Téhéran

J’ai réalisé, à cet instant même, que notre débat sur la charte était davantage une petite secousse, loin de son épicentre, entre autres, au Moyen-Orient. Ce n’était pas notre débat de société québécoise, c’était d’abord le leur. Nous prenions non seulement les arguments des communautés, mais également leurs hyperboles quand ça pouvait conforter nos croyances préétablies. ‘Fondamentalisme’, ‘extrémisme’, ‘fanatisme’ offrent une puissante rhétorique (clin d’œil à Fatima). Mais lorsqu’on gratte un peu ces mots, on n’y voit pas vraiment plus clair. On voit seulement qu’on assiste à un débat tendu. Mais, je reviens à mon point, c’était avant tout ‘leur’ débat parce que peu importe le résultat, il n’y aurait eu aucune conséquence dans la vie de tous les jours pour la majorité des québécois. Que la charte ait passée ou pas, la majorité des québécois n’aurait pas plus mise ou enlevée leurs symboles religieux. Elle n’aurait pas plus pratiqué le carême ou interdit le carême au petit Rodrigue à la garderie du coin. Parce que le petit Rodrigue, il ne le pratiquait pas le carême anyway. Voilà pourquoi, il s’agissait d’un débat dont les conséquences étaient éminemment superficielles pour la majorité, mais tout le contraire pour les minorités. Et voilà, surement, pourquoi seulement 20% des Québécois voulaient encore en entendre parler durant les élections selon CROP. Lassés? peut-être? Mais dans tous les cas, on ne se lasse généralement que des choses superficiels pour passer à autre chose de tout aussi ou moins superficiel. N’importe quel enjeu, tel qu’un référendum ou même la santé et l’économie auraient pris le dessus, et c’est ce qui est arrivé. Alors qu’est-ce que tu vas faire? Je vais continuer d’observer ce qui se passe ‘dans ces pays là’, je n’arrive plus tellement à comprendre ce qui se passe dans le mien.          

 Maison des artistes, Téhéran

Courir sur l'eau divine, check

Éphessus, Turquie. Marie ne supporte plus ma quête quotidienne de trouver un bon café. C’est ma religion à moi. Et sans mon cher acolyte Sam qui est autant sinon plus accroc que moi, j’avoue ne pas avoir un très bon rapport de force. Mais après notre visite des ruines d’Éphessus, m’a chance a sonnée. Il restait une heure d’attente avant le train du retour. Marie me regarde exaspérée : Ok, on va y aller au café. Je saute sur le Lonely planet et je tombe sur le Café St-John. Selon le Lonely, le Café St-John est le préféré des expats en raison de son vaste choix de café espresso, cappucino, machiato etc. Exit le nescafé! Après un peu de recherche, nous trouvons le café juste en face d’une mosquée. Yiha, je rentre à l’intérieur, je commande et je reviens à notre table en terrasse. Je me prépare, mentalement, au rituel. Aussitôt servi, je prends le temps de respirer le café, je trempe ma cuillère à l’intérieur, j’imbibe la mousse au lait de café et je prends une première gorgée. Lorsque la proprio revient, je lui demande : Qu’est-ce qui a bien pu motiver deux Suisses à venir s’établir à 30 minutes d’Ephessus? La dame me regarde avec le plus sérieux du monde. Elle me répond, d’un ton bien froid : ‘Avant il y avait des Chrétiens ici, maintenant, il y a que des mosquées.’  Sa mission et celle de son mari étaient d’assurer une présence chrétienne en Anatolie. 'Nous avons été là, nous sommes maintenant de retour, et nous serons toujours là'. Comment réagir à ça. Well, avec une bonne dose de malaise. Avec un genre de Ah, interesting tout ça :S. On va malheureusement devoir attraper notre train! 

 Les allées de marbre d'Ephessus

Fethyie, Turquie. Sur un bateau d’environ 50 pieds de long, nous faisons la connaissance d’un petit couple d’Australiens qui nous semblait vachement sympathique. Le temps hachuré en milliards d’activités, métro boulot dodo, n’existe plus. Les réservoirs du bateau sont remplis de temps. Il y a trop de temps disponible, et on le sent par le rythme des conversations. Après le ‘Where do you come from’, je demande à Erik, 25 ans, nouvellement marié, mais vivant encore chez ses parents, ce qu’il fait dans la vie. Il me dit qu’il travaille pour un ministère. Ah, so you must be working in Canberra. No, no, I work in Brisbane. Well, ça me semble loin de la capitale. J’ai finis par comprendre qu’il travaillait pour un ministère au sens religieux du terme… après une bonne recherche internet sur les racines religieuses du mot « ministère ». Il était pasteur dans une école. Alors tu as fait quoi en présence de manifestation du religieux? J’ai manifesté le malaise. Et pis après on a jasé de tout et de rien, un peu des méchants iraniens.

Notre bande de joyeux lurons sur le blue voyage

Blue voyaging

Téhéran, Iran. Nous marchons à Téhéran, de retour de Yazd, dans une rue déserte en raison des célébrations du 25e anniversaire de la mort de l’Imam Khomenei. Il doit bien faire 30-35 degrés. Je regarde Marie. ‘En tout cas, on est pas mal mieux à Téhéran avec cette petite brise.’ Marie me regarde avec ses yeux de tueuses. Quel con! Alors que je suis bien confortable dans mon t-shirt « New balance » sport avec ultra-alliage supra suprême pour maximiser l’aération de mon petit corps, Marie a toujours son hidjab et son ‘manteau’ ainsi qu’une camisole. Elle se liquéfie en dessous de tout ça et a bien hâte de changer d’accoutrement. Moi, je manifeste le malaise. C’est en fait toute qu’une chance de voyager avec ma bella. Je n’aurais jamais pu m’imaginer autant les côtés plus désagréables des accommodements raisonnables en pays islamiques sans partager mon quotidien avec elle. En revanche, elle a l’œil pour me faire remarquer des choses que je n’aurais pas vues de mon regard de mâle bêta. Contrairement à ce fameux récit de la femme victime, Marie me fait remarquer qu’elle n’a jamais vu de Papas qui s’impliquent autant avec leurs enfants. Parc, toilettes, poussettes et j’en passe. On ne trouverait pas d’équivalents en Occident. Sérieux, bah oui!

Phil et son fameux chandail New Balance devant la tour Asadi à Téhéran

Temple Indouiste à Ubud, Indonésie

Bon, la longueur de ce blog ne fait aucun sens. Je devrai donc le terminer en deux parties. À toute.
Notre difficile adaptation à la secte des plongeurs de Lembeh


Philos à Lembeh en compagnie de la secte des plongeurs beaucoup trop stimulés par les petites créatures rares et bizarres. 


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